Analyse du complément de loyer par l'avocate en droit immobilier, Maître Tabordet-Mérigoux

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Publié le 10/02/2023
nullité du mandat exclusif

Le complément de loyer, professionnels de l'immobilier protégez-vous !

Le complément de loyer, qui apparaît comme une aubaine dans le système d'encadrement des loyers, s'avère en réalité être un vrai piège pour les bailleurs mais également pour vous professionnels de l'immobilier, débiteurs d'un devoir d'information et de conseil. 

La loi ALUR a instauré un mécanisme d'encadrement des loyers dans les zones tendues (la liste des communes concernées est consultable en suivant ce lien).
Ce mécanisme, fixe un loyer minoré, un loyer de référence et un loyer majoré qui ne doit donc pas être dépassé par les bailleurs sous peine de voir engagée une action en diminution de loyer par le locataire. Aucune autre sanction n’est prévue à l’heure actuelle.
Les biens sont donc regroupés par type (meublé, vide, nombre de pièces) et par localisation. Toutefois, cette catégorisation des biens étant dans la pratique trop rigide, le législateur a souhaité ouvrir une porte aux bailleurs.
Ainsi, il a prévu la possibilité de solliciter un complément de loyer pour les locations vides comme meublées. Celui-ci peut être demandé à condition que le loyer du logement atteigne déjà le plafond du loyer majoré et que le bien dispose de « caractéristiques de localisation ou de confort ». La rédaction actuelle est très obscure puisque littéralement tous les logements, pour recevoir la qualification d’habitation, possèdent nécessairement des éléments de confort ! La loi n’a de sens que si ces caractéristiques sont, sinon exceptionnelles, du moins supérieures aux logements comparables.
A la lecture de cette disposition légale, les difficultés d’appréciation sautent d’ores et déjà aux yeux.
La détermination du complément de loyer
Les règles théoriques
Il convient de se référer au Décret du 10 juin 2015 qui dispose que le complément de loyer peut être demandé si les caractéristiques permettant sa détermination sont réunies, à savoir :

  • « Elles n’ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement ;
  • Elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ;
  • Elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges, ni à la contribution pour le partage des économies d’énergie pour les travaux réalisés par le bailleur »

L’application pratique
La commission départementale de conciliation (CDC), qui a compétence pour statuer sur la validité d’un complément de loyer ne publie pas, à ce jour, les décisions qu’elle rend.
Peuvent faire l’objet, a priori, d’un complément de loyer, les éléments suivants : terrasse, jardin, grand balcon, parking, grande cave, vue exceptionnelle, équipements luxueux. A l’inverse, un petit balcon même en plein cœur de Paris ou la présence de moulures ou de parquets ne semblent pas justifier un complément de loyer. Après avoir déterminé qu’un élément du bien permet de justifier un complément de loyer, il convient de s’interroger sur le montant qu’il peut lui être alloué.
De toute évidence, l’appréciation est là encore purement subjective. Il semblerait que les membres de la commission départementale de conciliation, applique le critère retenu classiquement par la jurisprudence, à savoir la moitié de la valeur du m² du logement. Ainsi, si le loyer majoré équivaut à 20€/m², une terrasse pourra être valorisée à hauteur de 10€/m².
La procédure en contestation de complément de loyer
Seul le locataire peut contester le complément de loyer dans un délai de trois mois à compter de la signature du bail en saisissant la commission départementale de conciliation compétente, à savoir celle de la situation de l’immeuble loué. Il appartient alors au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort justifiant le complément de loyer.
En l’absence de conciliation, le locataire doit saisir le tribunal d’instance dans un délai de trois mois à compter de la réception de l’avis de la commission. Le dit avis n’étant pas adressé en recommandé, des difficultés feront là encore très certainement leur apparition. La saisine du tribunal d’instance signifie l’enrôlement de l’assignation et non la date de signification de cette dernière par l’Huissier de justice.
Toute diminution du loyer ou du complément de loyer est rétroactive à la date d’effet du bail.
Professionnels de l’immobilier : comment vous protéger ?
Compte tenu de la complexité du mécanisme de fixation des loyers et de la détermination du complément de loyer, il est tout à fait évident que les professionnels ont un rôle crucial à jouer. En effet, vous disposez, de par votre expérience pratique, des éléments les plus pertinents pour caractériser la valeur d’un bien et son caractère supérieur.
Vous avez donc la lourde tâche de déterminer le loyer applicable pour le logement et le cas échéant le montant du complément de loyer. Etant précisé que pour ce dernier point, vous devez connaître ou du moins surveiller la détermination des éléments de confort supérieur à la moyenne et justifiant un tel supplément et s’assurer que cet élément de confort n’ait pas déjà été pris en compte dans la fixation du loyer ; puisque, pour pouvoir demander un complément de loyer il faut déjà que le loyer du bien corresponde au loyer médian majoré.
De ce fait, dans l’hypothèse où le loyer serait revu à la baisse ou le complément de loyer diminué voire supprimé à l’issue d’une contestation, le bailleur, s’il a fait appel à vous pourra sans difficulté, me semble-t-il, faire jouer sa responsabilité en invoquant un défaut de conseil.
On ne saurait trop vous inviter à mettre en garde par écrit, de façon très visible et non ambiguë, un bailleur qui souhaiterait mentionner un loyer supérieur au loyer de référence majoré ou un complément de loyer injustifié. Il convient donc d’éviter la phrase sibylline écrite en police 6 à la toute fin des conditions générales.
Cette mise en garde doit comprendre, à mon sens, a minima, le loyer de référence majoré correspondant au bien en question et l’avertissement selon lequel le bailleur est informé que le loyer fixé contrevient aux dispositions de la loi relative à l’encadrement des loyers et qu’en conséquence il s’expose à une contestation du locataire.
Concernant la détermination d’un complément de loyer, compte tenu du risque inhérent à l’appréciation subjective de cet élément, vous devrez attirer l’attention de vos clients sur la possibilité de voir celui-ci minoré ou rejeté en cas de contestation.
Ouvrez l’œil pour suivre les appréciations des commissions départementales de conciliation.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site de Maître Tabordet-Mérigoux en suivant ce lien.

Fiona Gurrieri

Fiona Gurrieri

 

Chargée des projets webmarketing chez La Boite Immo, Fiona est aussi web rédactrice sur les problématiques spécifiques à l'immobilier.

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